
Huit mois, déjà, de confinement, huit mois de captivité cloitrés entre les murs de nos maisons à cause du covid-19, de la crise économique qui bat son plein et du blocus politique qui paralyse le pays.
Plus de restaurants, ni de sorties en famille, ni de festivités ; les seuls sorties permises, ce sont les courses dans les supermarchés que nous sommes supposés faire masqués et gantés pour éviter toutes contaminations. Chacun se sent comme pris en otage même si l’on est à plusieurs dans le même logis. La routine et le traintrain quotidien qui se répète monotonement chaque jour, frustre l’esprit et offense l’imagination.

Ce matin, je ne pouvais plus. Derrière mon volant, je ne savais où aller. J’avais l’impression que c’était ma voiture qui me conduisait et pas le contraire, pour enfin arriver dans un lieu paradisiaque : je me retrouvais sur une colline surplombant la baie de Jounieh, à cinq minutes en voiture de l’autoroute principale de la ville. Bercée par la beauté du paysage qui m’entourait, j’ai vite fait de chausser mes bottes de marche, porter mon sac à dos où je garde un appareil photo, des jumelles et une bouteille d’eau, et j’ai tenu cette fois, à ne pas oublier mon chapeau et ma canne.

A l’entrée des lieux, il y avait cet écriteau où l’on pouvait clairement lire «Réserve de Chnaniir » « Prière, respecter les règles ! » « Restez dans les voies officiellement spécifiées, toute violation en la matière pourrait être dangereuse et causer de graves dommages environnementaux. Ne prenez que la mémoire et ne laissez que vos empreintes. Interdiction de fumer ou de mettre le feu, de chasser, de couper du bois, de prendre tout type d’animaux ou de plantes, en particulier les cônes de cèdre, de camper, d’amener des animaux domestiques et de jeter des ordures. »

Une fois à l’intérieur, un jeune bénévole-guide m’a proposé de me mener sur les lieux, en respectant le distancement, mais, j’ai préféré profiter, seule, de cette marche en pleine nature en me servant d’un guide du terrain qu’on m’a offert à la porte de la réserve.

Pendant trois heures de temps, j’ai
traversé l’un des trois
sentiers aménagés qui offrent trois niveaux de difficultés différents selon la
raideur de la pente et la longueur du sentier. Dans mon guide, on expliquait
que la réserve recouvre environ 300 000m2 de superficie. Nichée entre 650m et
850m, la forêt réserve à son sommet le plus élevé qu’on appelle Hriq une vue
panoramique de 360 degrés sur la baie de Jounieh d’une part, et sur les
montagnes et régions qui entourent la réserve d’autre part: Mehrab, Ghazir,
Ghosta, Sahel Alma.
En chemin, je pouvais découvrir un puits creusé, du XIXe siècle, qui servait
d’abreuvoir aux troupeaux des bergers, des pins sauvages, des pins pignons, des
chênes et des arbousiers.
Le guide expliquait aussi que la réserve de Chnaniir se qualifie surtout par une diversité biologique très riche qui couvre environ 370 espèces d’oiseaux résidents et migrateurs, et plus de 2000 espèces de plantes qui sont typiquement libanaises et certaines d’entre elles sont classées comme médicinales, parfumées et nutritives. Il y vit également, environ 35 espèces de mammifères dont des loups, des hyènes, des chats sauvages, des porcs épics et des écureuils, mais malheureusement, je n’ai rencontré aucun (peut-être, parce que je fais partie des humains ; leurs prédateurs les plus terribles).

A chaque pas, une douce sérénité et une savoureuse tranquillité montaient en moi.
Une fois arrivée au Hriq, je me sentais épuisée, essoufflée mais heureuse, très heureuse de ce bonheur simple mais guérissant et immunisant.